DÉCLARATION FINALE DU FORUM SUR L'AGROÉCOLOGIE ET LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE

Port-au-Prince, samedi 16 octobre 2021

Ayant participé au forum sur l'agroécologie et la souveraineté alimentaire les 14, 15 et 16 octobre 2021, dans le cadre de la Journée internationale de la femme rurale (15 octobre), nous, ICKL, KJM, MPP, MPNKP, PAPDA, SOFA, Tèt Kole Ti Peyizan Ayisyen (TK), et d'autres organisations à travers le pays, ainsi que des dizaines d'organisations d'Haïti, d'Europe, d'Amérique latine, des Caraïbes, d'Amérique du Nord et d'Afrique qui se sont jointes à Zoom, saluent le courage et la détermination des agriculteurs qui travaillent sans relâche pour assurer la souveraineté alimentaire de nos peuples. Nous saisissons l'occasion du forum sur l'agroécologie et la souveraineté alimentaire pour dénoncer l'approche du Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires mondiaux qui s'est tenu à New York le 23 septembre 2021, sous le contrôle des capitalistes transnationaux de l'agrobusiness, responsables en dernier ressort de la situation de famine et de misère à laquelle la planète est confrontée.

Nous dénonçons les politiques publiques dans le domaine de l'agriculture et de l'alimentation, les politiques économiques orientées vers les industries extractives et l'accaparement des terres agricoles, ainsi que les stratégies de violence et de peur, appliquées par l'Etat haïtien depuis des décennies, qui contribuent à la destruction des capacités productives du pays. Ces pratiques détruisent les fondements de l'agriculture familiale agroécologique, détruisent l'environnement et renforcent la dépendance du pays vis-à-vis des produits importés, accentuant l'insécurité alimentaire et le chômage, tout en encourageant la migration étrangère au profit des grandes entreprises multinationales et de leurs acolytes locaux.

Nous dénonçons et rejetons catégoriquement les décrets scélérats, anti-populaires et anti-paysans pris par le régime PHTK visant à accélérer l'accaparement des terres des paysans au profit des mafias nationales et internationales pour développer l'agrobusiness, l'exploitation minière, les zones franches industrielles et les zones franches touristiques. La mise en œuvre de cette vision de l'économie coloniale contribue à l'exploitation et à la marginalisation des paysans, comme dans la Prévoyance, la Savane Diane, la Plaine de Maribahoux, le Terrier-Rouge, dans le Nord-Ouest, le Plateau Central, dans l'Artibonite, l'Ile-à-Vache, la Côte des Arcadins, entre autres régions.

Nous croyons fermement que la gangstérisation du pays aujourd'hui fait partie d'une stratégie politique et représente un outil de la bourgeoisie, des multinationales et du régime politique actuel, destiné à briser la résistance populaire aux politiques économiques mises en œuvre dans le pays, et à empêcher les masses de continuer à influencer les dynamiques politiques. En ce sens, nous, organisations signataires de cette déclaration, nous engageons à:

• • 1. Se rassembler pour construire un mouvement social et populaire fort et bien articulé et définir des stratégies de lutte pour défendre l'agriculture agroécologique familiale et paysanne, afin de jeter les bases réelles de la souveraineté alimentaire dans le pays ;
    2. Faire preuve de plus de détermination dans la défense des terres agricoles au bénéfice des paysans, de l'eau, du modèle d'agriculture familiale agroécologique et de l'environnement, contre l'exploitation des mines de métaux et l'établissement de zones franches industrielles, agro-industrielles et touristiques ;
    3. Faire preuve de détermination et lutter aux côtés des paysans et des communautés contre tous les accaparements de terres et toutes les menaces qui pèsent sur la souveraineté alimentaire du pays. Nous nous opposons et continuerons à nous opposer à ces projets de mort aujourd'hui et au-delà ;
    4. Mettre en place et mener une campagne nationale de formation, de sensibilisation et de conscientisation sur le modèle de l'agriculture familiale agroécologique et la consommation de produits locaux à tous les niveaux : gastronomie, habillement, logement, divertissement, musique, danse et tous les autres éléments caractéristiques de la culture et des traditions du peuple haïtien ;
    5. Travailler à la mise en place de stratégies de production, de transformation et de commercialisation des produits agricoles issus des zones rurales, à travers une stratégie d'économie sociale et solidaire, tout en développant des mécanismes de régulation des réseaux de transport et de distribution ;
    6. Défendre les semences locales (créoles) et plaider pour des investissements susceptibles de répondre aux défis rencontrés par les paysans dans le cadre du renforcement de l'agriculture paysanne agroécologique ;
    7. Valoriser les apports historiques et contemporains de l'économie familiale paysanne et défendre les revendications des classes exploitées et marginalisées dans le cadre des luttes émancipatrices des classes populaires et des travailleurs ;
    8. Participer à la diffusion et à la réflexion sur la "Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales", adoptée fin 2018, après plusieurs décennies de lutte des mouvements paysans mondiaux, tels que La Via Campesina ;
    9. Construire un front politique de gauche afin de déconstruire le modèle actuel d'Etat et de gouvernance, pour construire un Etat haïtien souverain capable de mener une véritable réforme agraire et populaire, dont l'objectif principal sera d'assurer la souveraineté alimentaire du pays ;
    10. Plaider en faveur d'une politique d'aménagement du territoire qui donne la priorité au développement de l'agriculture familiale agroécologique ;
    11. Construire des outils organisationnels et structurels et créer des alliances pour surveiller et bloquer toutes les décisions au niveau national et international qui sont susceptibles d'avoir un impact négatif sur les conditions de vie de la population haïtienne ;
    12. Construire des alliances globales et à l'étranger, développer des articulations et des synergies avec tous les réseaux anticapitalistes internationaux, en respectant les principales orientations définies par le CLOC^[1]-La Via Campesina, l'ALBA^[2] le mouvement social ALBA [2], le Jubilé sud-américain (JSA) et l'Assemblée des peuples de la Caraïbe (APC) ;
    13. Lutter sans relâche pour l'élaboration et la mise en œuvre de politiques publiques visant à reconstruire l'environnement du pays, dévasté par plus de cinq (5) siècles de pillage colonial et néocolonial ;
    14. Continuer à s'opposer et à lutter contre les politiques de libéralisation du commerce et toutes les formes de politiques néolibérales promues et imposées au pays par le FMI et d'autres organisations internationales contrôlées par l'impérialisme. Bloquer par nos luttes tous les projets d'inspiration néolibérale ;
    15. Promouvoir et défendre l'expérience de la Ferme-école féministe agroécologique menée par la SOFA à Savane Diane tout en renforçant nos luttes pour l'annulation de l'arrêté injustifiable du 8 février 2021, pris par le gouvernement illégal de facto de l'ancien président Jovenel Moïse, octroyant à un entrepreneur antinational plus de 8 600 hectares de terre pour l'établissement d'une zone franche d'exportation ;
    16. Donner la priorité à la question de l'éducation pour développer un système d'éducation alternatif lié à l'histoire, à la culture et à notre identité en tant que peuple ;
    17. Participer à toutes les luttes pour l'émancipation du pays afin de construire un système qui donne la priorité à la vie plutôt qu'au profit capitaliste ;
    18. Mettre en place, dans tout le pays, des structures locales de défense de l'agriculture agroécologique paysanne et familiale, en insistant sur la réalisation d'espaces de débat, de forums, de formations pour renforcer les capacités des communautés dans les luttes contre les projets agro-industriels, les mines métalliques, l'établissement de zones franches industrielles et touristiques, etc.

Contre les produits alimentaires importés !

Contre la dépendance alimentaire !

Contre les politiques néolibérales, sources d'insécurité alimentaire, de misère et de désespoir !

Contre l'accaparement des terres au profit des grandes entreprises et des sociétés transnationales !

Contre toutes les mines de métaux !

Pour une agriculture paysanne familiale agro-écologique !

Vive les luttes des paysannes, moteurs de l'économie paysanne !

Vive la mobilisation paysanne et populaire en faveur de la réforme agraire intégrale et populaire !

Vive la souveraineté alimentaire du pays !

Vive la contribution du mouvement paysan à la libération d'Haïti,

pour la construction de notre deuxième indépendance !

Pour l'authentification :

Camille CHALMERS, PAPDA
Sharma AURELIEN, SOFA
Chavannes JEAN-BAPTISTE, MPP / MPNKP

[1] Coordination latino-américaine des organisations paysannes
[2] Alternative bolivienne pour les Amériques

Organisations signataires